Lundi 4 novembre 2019
Chère Madame,
C’est avec une infinie tendresse que j’ai lu votre longue lettre que vous m’avez adressée après le décès de votre oncle Monsieur Paul Saintenac.
Pendant de nombreuses années, Monsieur Paul a partagé le quotidien de notre famille et par les souvenirs qu’il nous livrait, vous avez été vous et vos proches parmi nous, en pensées.
Nous sommes arrivés à Itteville en décembre 1990. Nous avions François et moi deux jeunes enfants, Pierre et Fanny, Irène naîtra trois ans plus tard. Nous avons acheté la pharmacie, arrêtant notre choix pour Itteville, d’une part car était attaché à l’officine une maison propice à la vie de la famille et d’autre part car cette petite pharmacie correspondait à notre budget.
Nous avons très vite été bien accueillis et avons facilement tissés des liens avec les Ittevillois.
Lorsque j’accompagnais les enfants à l’école, ma fille Irène rêvait d’habiter dans la maison de votre oncle, elle aimait les cerisiers qui portaient en saison des fruits qui semblaient délicieux, le gros caillou au centre du jardin qui devait être une aire de jeux formidable et surtout, la proximité de l’école lui aurait permis de gagner de précieuses minutes de sommeil !
Votre oncle Paul et votre tante Alice fréquentaient la pharmacie au gré du renouvellement de leurs traitements. Mais c’est véritablement après le décès de votre tante que nous avons noué des liens affectueux. Je me souviens précisément comment les choses se sont passées, Dieu sait pourtant que je ne possède pas la mémoire extraordinaire de Monsieur Paul.
Peu de temps après le décès d’Alice, nous étions installés tous les deux au poste assis dans la pharmacie et je préparais l’ordonnance de Paul. Je lui demandai alors comment il allait, Il eut un instant de grande tristesse et de nostalgie, évoquant le temps qui passe et a sorti de son portefeuille une petite photo de lui prise en 1934 à Asnières. Nous nous sommes un instant tus, et pour ne pas laisser la nostalgie nous gagner tous les deux je l’ai invité à déjeuner un prochain dimanche. Ce fut le début de nos merveilleux repas, et croyez-moi, le bonheur de ces rencontres a toujours été partagé.
L’histoire de sa vie était totalement romanesque, la précision des détails ou se croisaient petite histoire et grande Histoire de France donnait à ce récit une couleur propre aux grandes épopées.
J’étais, nous étions sous le charme. Très vite j’ai pensé qu’il faudrait collecter cette histoire. J’ai longtemps pensé que ce travail reviendrait à notre fille Fanny et à notre nièce Hélène qui faisait des études à Paris et que nous hébergions quelques fois. Fanny et Hélène étaient toutes deux très littéraires, alors que Pierre et Irène sont plutôt scientifiques.
Finalement les filles n’ont pas embrassé ce projet, Monsieur Paul et moi avons nourri l’ambition de collecter ses souvenirs. Monsieur Paul est venu déjeuner chaque semaine, le mardi puis le jeudi au gré des jours de repas au foyer des anciens où il se rendait régulièrement. Souvent lorsque j’étais de garde le dimanche il partageait notre repas, de même lorsqu’il y avait une belle occasion, Pâques, un anniversaire, la visite de mes parents… Nous avons fêté Noël ensemble quelques fois lorsque nous ne partions pas en province dans nos familles. La naissance de notre petite fille Margaux, la fille de Pierre, avait beaucoup réjoui Monsieur Paul et il s’émerveillait des progrès de cette toute petite fille qui aura en janvier trois ans.
Les souvenirs de votre oncle ne m’appartiennent pas et il faut les partager avec toute votre famille dont il parlait souvent et les enrichir de vos souvenirs et anecdotes. Je réfléchis à la meilleure façon de le faire, sans doute sous la forme d’un blog ou d’un site mêlant les souvenirs qu’il a laissés, les photos à scanner (Sylvie a je crois de précieux albums avec les photos de famille et les cartes postales collectées par Alice et que nous pourrions joindre), quelques enregistrements audio que nous avons faits et vos propres souvenirs.
Lorsque ce travail sera commencé, je vous l’adresserai, libre à chacun d’entre vous de l’enrichir.
Il existe à ce sujet un joli travail fait par une journaliste Clara Beaudoux racontant la vie d’une institutrice, l’auteure a posté sur twitter des petits articles et un joli livre a ensuite été publié : Madeleine Project aux Editions du sous-sol. Par analogie à notre travail, mon fils Pierre m’a offert ce livre à un Noël et nous en avions parlé Monsieur Paul et moi.
Adressez-moi les courriels de vos proches, nous pourrons échanger.
Au plaisir Madame de vous lire, je vous adresse mes affectueuses pensées,
Françoise
PS nous sommes allés le 1er novembre sur la tombe d’Alice et Paul, elle est bien fleurie.